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Effets de la méditation sur notre cerveau : ce que nous apprennent les études de neurosciences - Jacques Vigne

Published onJun 05, 2020
Effets de la méditation sur notre cerveau : ce que nous apprennent les études de neurosciences - Jacques Vigne

Jacques Vigne :

Psychiatre vivant en Inde depuis 35 ans, le Dr. Jacques Vigne anime des stages de yoga-méditation en Europe en faisant le lien entre traditions millénaires et modernité. Il a écrit de nombreux livres sur l'Inde, les spiritualités, la psychologie, la méditation laïque. De nombreux articles sont publiés sur son site jacquesvigne.com concernant ses activités diverses telles que ses recherches, ses séjours auprès de grands maîtres, ses voyages et l’aide humanitaire aux personnes défavorisées du sous-continent indien.

Résumé de l’intervention

Le Dr. Jacques Vigne est psychiatre et médite depuis 45 ans. Au fur et à mesure des années, il a pu se rendre compte d’un intérêt de plus en plus important pour la méditation dans le domaine scientifique avec un boom ces dernières années d’études cliniques à ce sujet. Ainsi, une recherche sur PubMed, un des principaux moteurs de recherche bibliographique pour la biologie et la médecine, comptabilise 5885 articles réalisés à ce jour. Or ce nombre est passé de 58 en 2000, à 209 en 2010 pour arriver à un total de 609 études en 2019 ! Il y a donc un intérêt grandissant pour la méditation et, selon Jacques Vigne, on peut espérer combiner de la sorte le meilleur de la pensée occidentale, avec son approche scientifique, et orientale avec 25 à 35 siècles de pratique. La presse grand public s’empare également de ce sujet. Le magazine Science et Avenir a publié par exemple un numéro sur la méditation en décembre 20191. Pour le maître de méditation de Jacques, Swami Vijayananda, lui aussi médecin et qui a médité 60 ans intensément dans des ashrams en Inde, “la méditation est scientifique car la même expérience dans le même contexte donne le même résultat”. Une affirmation que réitère Jacques Vigne après 45 ans de pratique.

Plusieurs effets aujourd’hui sont recherchés concernant la méditation. Premièrement, elle permet de rééduquer l’attention (diluée par la dépendance excessive des téléphones portables par exemple). Ensuite, la méditation est un moyen simple, efficace et laïque pour réduire le stress. Les pratiques méditatives sont aussi recherchées pour améliorer la connaissance de soi et la maîtrise de son propre esprit, et pour développer l’altruisme. Aujourd’hui, nous pouvons considérer que la méditation laïque est la religion qui se développe le plus vite aux USA. 

Avant de s’intéresser plus précisément aux effets de la méditation, il est important de distinguer 3 différents types de méditations. La première est fondée sur l’attention soit la concentration sur un point dans le corps ou à l’extérieur, soit sur un mantra. La deuxième approche consiste en des méditations de "construction" reposant sur des pratiques de visualisation (soit de divinités dans la version religieuse, soit laïque dans la sophrologie). Ensuite, les méditations peuvent se rattacher à des approches de déconstruction. C’est le cas de vipassana ou du védanta qui s’attachent à l’impermanence des phénomènes. La non-dualité est recherchée afin de la percevoir derrière les constructions mentales en les désagrégeant.

Lorsqu’on s’intéresse aux effets de la méditation, il est important de distinguer l’influence du temps de pratique entre des débutants (100 heures de méditation) jusqu’à des niveaux avancés (plus de 30 000 heures). Pour des personnes débutantes, des effets sont observés mais ils restent temporaires. On observe tout d’abord une diminution du stress de par une réaction moindre de l'amygdale, centre cérébral impliqué dans les réactions de peur. L’attention est améliorée tout autant que la mémoire fonctionnelle, avec par exemple, dans les milieux scolaires, de meilleurs résultats. La méditation serait également associée à une meilleure connectivité des circuits cérébraux de l’empathie. Enfin, on observerait une diminution des marqueurs biologiques de l’inflammation, responsables entre autre des maladies cardio-vasculaires et des cancers qui sont impliqués dans 80% des décès. Cette diminution survient même après seulement 30h de pratique. 

Chez les personnes ayant pratiqué plus de 1000 heures (niveau intermédiaire), d’autres effets se manifestent tels qu’une stabilisation émotionnelle, une baisse du cortisol, un renforcement de l’attention sélective avec moins de vagabondage mental. Les capacités d’altruisme se développent également avec une probabilité plus importante d’aider les autres et donc de dépasser l’empathie (à distinguer de la compassion). Globalement les personnes qui pratiquent sont capables d’aller plus profondément en elles-mêmes. 

Enfin, pour les niveaux avancés (soit plus de 30 000 heures) de pratique, on observe une pérennisation de ces effets et des changements du rythme respiratoire, qui devient plus lent soit (1,6 fois plus lent que celui d’un non méditant, ce qui signifie environ 800 000 respirations de moins en 1 an ). Au niveau cérébral, les ondes gamma (ondes de l'attention) perdurent pendant le sommeil. Il y aurait aussi une plus grande synchronisation cérébrale y compris entre des zones non synchronisées d’habitude. Ceci traduit probablement le vécu de grande unité du méditant avancé. Les discussions suite à l’intervention ont rappelé néanmoins que ces effets étaient difficilement corrélables à la seule pratique de méditation. En effet, pour les niveaux avancés, de longues heures de pratique s’accompagnent de conditions de vie spécifique (voie monacale par exemple) qui nécessitent d’être prudent.e.s quant aux effets directement associés à la méditation. 

En conclusion, Jacques Vigne a rappelé que la méditation aurait un effet général sur le vieillissement, ce qui se traduirait à l’échelle cellulaire par une diminution de la réduction des télomères. Une personne qui médite régulièrement économiserait 52 jours de vieillissement par an par rapport à un non méditant. Dans ce sens une étude européenne en cours, dirigée par Antoine Lutz de l'Institut de de recherche en neurosciences cognitives de Lyon, s’intéresse plus particulièrement aux modifications du vieillissement du cerveau en comparant la pratique de la méditation avec celle de l’apprentissage d’une langue vivante. La méditation apporte donc un espoir de longue vie, de bonne santé et de devenir une meilleure personne, avec moins d’émotions perturbatrices ainsi que plus de vigilance et de bienveillance.

3 éléments marquants :

  • Les études cliniques sur les effets de la méditation se sont largement développées ces 20 dernières années avec un triplement des publications scientifiques dans cette dernière décennie. 

  • Le vocable méditation regroupe de nombreuses techniques différentes (attention, construction, déconstruction) qui ne sont pas toutes étudiées également jusqu’ici par les neurosciences.

  • Les effets de la méditation sont plus stables en fonction de la durée de la pratique de la méditation dans le temps (niveau débutant, intermédiaire, avancé).

Pour aller plus loin :

Pratique de la méditation laïque par le Dr Jacques Vigne (2017)

The Science of Meditation: How to Change Your Brain, Mind and Body par Daniel Goleman et Richard Davidson

Entretien de Steven Laureys au Forum des Sciences Cognitives 2020 sur son ouvrage “La méditation c'est bon pour le cerveau"


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